L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme est un pilier fondamental des droits de l’homme en Europe. Il garantit le droit à un procès équitable, un concept essentiel pour le maintien de la justice et de l’équité dans les procédures judiciaires.
Pour la France, plus de 60 % des constats de violation des droits de l’homme dressés par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) concernent l’article 6 (droit à un procès équitable), qu’il s’agisse de questions de durée ou d’équité des procédures, ce qui souligne l’importance cruciale du respect de ce droit (cette statistique vient du rapport La CEDH et la France en faits et chiffres, publié par la Cour européenne des droits de l’homme sur son site).
L’article 6 est rédigé ainsi :
« Droit à un procès équitable
1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
2. Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.
3. Tout accusé a droit notamment à :
a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ;
b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ;
c) se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et, s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent ;
d) interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
e) se faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience.
Qu’est-ce qu’un droit à un procès équitable ?
Le droit à un procès équitable, tel que défini par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, assure que toute personne doit pouvoir accéder à un tribunal indépendant et impartial. Cela inclut le droit d’être entendu publiquement et dans un délai raisonnable. Ce principe fondamental protège les individus contre les injustices et les abus de pouvoir.
Définition et principes du procès équitable
L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme établit plusieurs principes clés qui composent le droit à un procès équitable. Ces principes incluent l’accès à une justice indépendante et impartiale, le respect de la présomption d’innocence et le droit à une défense effective.
Principe 1 : Accès à une justice indépendante et impartiale
L’accès à une justice indépendante et impartiale est le premier pilier d’un procès équitable. Cela signifie que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal qui ne soit pas influencé par des pressions externes, et qui soit capable de juger de manière juste et objective.
Tribunal indépendant et impartial
La justice doit être rendue par des juges indépendants qui ne sont soumis, ni à des pressions politiques, ni à des pressions économiques et qui évitent également d’être en situation de conflits d’intérêts avec les parties. Les juges doivent aussi être impartiaux, c’est-à-dire qu’ils doivent statuer sans préjugés ou préjugements sur l’affaire, que cette partialité soit réelle ou même uniquement apparente, car l’impression d’impartialité est importante.
Audience publique
En principe, les audiences doivent être publiques pour garantir la transparence de la procédure et la responsabilité des magistrats. Toutefois, des exceptions sont possibles pour protéger la moralité, l’ordre public, la sécurité nationale, les intérêts des mineurs ou la vie privée des parties.
Délai raisonnable
Un procès ne doit pas traîner indéfiniment. Les parties ont droit à ce que leur cause soit jugée dans un délai raisonnable pour éviter des situations de stress prolongé et des coûts inutiles.
Principe 2 : Présomption d’innocence et droit à l’information
La présomption d’innocence est fondamentale dans le cadre d’un procès pénal équitable. Cela signifie que toute personne accusée d’une infraction est considérée comme étant innocente aussi longtemps que sa culpabilité n’a pas été établie au-delà de tout doute raisonnable par les juges appelés à statuer sur la matière.
Notification des accusations
Toute personne accusée d’une infraction doit être informée, dans les plus brefs délais et de manière détaillée, de la nature et de la cause des accusations portées contre elle. Cela doit être fait dans une langue qu’elle comprend.
Préparation de la défense
L’accusé doit disposer de suffisamment de temps et de moyens pour préparer sa défense, incluant l’accès à toutes les informations pertinentes pour son cas.
Principe 3 : Droit à une défense effective
Le droit à une défense effective est crucial pour assurer l’équité d’un procès pénal.
Assistance d’un avocat
L’accusé a le droit de se défendre lui-même ou de choisir un avocat pour le représenter. Si l’accusé n’a pas les moyens de payer un avocat, il doit pouvoir bénéficier d’une assistance juridique gratuite.
Interrogation des témoins
L’accusé a le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et à décharge dans les mêmes conditions que celles laissées à l’accusation. Cela assure l’équilibre et l’équité des témoignages présentés au tribunal, de même que le respect du principe contradictoire et de l’égalité des armes entre les parties.
Assistance d’un interprète
Si l’accusé ne comprend pas ou ne parle pas la langue utilisée au tribunal, il a droit à l’assistance gratuite d’un interprète.
Exemples de violations du droit à un procès équitable en relation avec la France
1. Affaire Moulin c. France (2010)
La Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la France avait violé l’article 6 en raison de la durée excessive de la procédure pénale (12 ans) et du manque d’indépendance des juges d’instruction.
2. Affaire Medvedyev et autres c. France (2010)
Cette affaire portait sur la détention de membres d’équipage d’un navire suspecté de trafic de drogue. La Cour a conclu à une violation de l’article 6 en raison de l’absence de contrôle judiciaire rapide de la régularité de la détention préventive du requérant.
3. Affaire Taxquet c. Belgique (2010)
Bien que cette affaire concerne la Belgique, elle est pertinente pour la jurisprudence française. La Cour a trouvé une violation de l’article 6 parce que les jurés n’avaient pas fourni de motifs suffisants pour leur verdict, une situation qui peut aussi se produire en France.
4. Affaire Bréard c. France (2004)
La Cour a conclu à une violation de l’article 6 en raison de l’absence d’un avocat lors de la garde à vue de l’accusé, la présence d’un avocat étant un droit crucial pour la préparation d’une défense efficace.
5. Affaire Pélissier et Sassi c. France (1999)
Les requérants se plaignaient de ne pas avoir été informés suffisamment à l’avance de la modification des accusations portées contre eux, ce qui les a empêchés de préparer leur défense de façon adéquate. La Cour a reconnu une violation de l’article 6.
6. Affaire Faulkner c. France (2010)
La Cour a jugé que la France avait violé l’article 6 en raison du retard inacceptable dans le traitement de l’appel de l’accusé, entraînant une incertitude prolongée et un stress pour celui-ci.
Quels recours en cas de non-respect du droit à un procès équitable ?
Que se passe-t-il si votre droit à un procès équitable n’est pas respecté et comment sanctionner le non-respect du droit à un procès équitable ? Vous avez plusieurs recours possibles :
1. Recours internes
En France, en matière de délai de dépassement du délai raisonnable, il existe une procédure spécifique, qui permet de demander un dédommagement pour ce dysfonctionnement du service publique de la justice, l’avocat qui suivait votre procédure pourra vous l’expliquer et s’en charger.
Pour les autres questions relatives au non-respect du droit à un procès équitable, il faut toujours penser à les soulever devant les juridictions internes : de première instance, d’appel ou même de cassation, les tribunaux français sont les premiers gardiens de ces principes.
2. Requête devant la CEDH
Si tous les recours nationaux ont été épuisés, vous pouvez saisir la Cour européenne des droits de l’homme. Cette procédure doit être entamée dans un délai de quatre mois après la dernière décision définitive nationale.
La CEDH examine les requêtes individuelles pour vérifier si un État membre a violé les droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. Si la Cour constate une violation, elle peut accorder une satisfaction équitable, qui peut inclure une compensation financière pour les préjudices subis. De plus, s’agissant d’une violation d’un droit procédural, il peut parfois être possible de demander que l’affaire soit rejugée au niveau national (c’est important surtout pour les condamnations pénales). Enfin, un jugement de la Cour peut conduire à des réformes législatives ou politiques pour prévenir de futures violations.
3. Conseil juridique
Pour maximiser vos chances de succès devant la CEDH, il est fortement recommandé de recourir à un avocat spécialisé en droits de l’homme. Voici pourquoi :
L’importance de recourir à un avocat spécialisé en droits de l’homme
Expertise Juridique : Les avocats spécialisés dans les recours à la CEDH possèdent une connaissance approfondie de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de la Cour. Ils sont au fait des critères stricts de recevabilité et des attentes de la CEDH en matière de présentation des requêtes.
Conseil et consultation : Même avant d’introduire une requête, obtenir un avis juridique ou une consultation peut vous aider à évaluer vos chances de succès et à décider de la meilleure marche à suivre. Un avocat peut analyser votre situation, identifier les points forts et faibles de votre dossier, et vous conseiller sur les étapes à suivre et les erreurs à ne pas commettre.
Préparation de la requête : La rédaction d’une requête devant la CEDH est un processus complexe qui nécessite une présentation claire et complète des faits, des preuves et des arguments juridiques, dans le cadre d’une procédure aux règles très rigides, en utilisant un langage technique spécifique et des arguments qui sont parfois très différents de ceux qui peuvent être utilisé dans le cadre d’une procédure nationale. Seul un avocat expérimenté peut vous offrir l’assurance que la structure de votre dossier pourra répondre aux exigences de la Cour.
Stratégie juridique : Un avocat peut développer une stratégie juridique efficace pour démontrer la violation de l’article 6. Cela inclut la collecte et la présentation de preuves, l’identification des points juridiques clés et la formulation des arguments les plus convaincants.
Représentation : Si votre requête est déclarée recevable, votre avocat spécialisé peut vous représenter devant la Cour, défendre vos intérêts et répondre aux arguments de l’État mis en cause.
Suivi de l’exécution des arrêts : Après un jugement favorable, un avocat spécialisé vous aidera à suivre l’exécution de la décision et à s’assurer que l’État respecte les obligations imposées par la CEDH, notamment pour surveiller le bon déroulé des démarches visant à obtenir une compensation financière.
Conclusion
L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme est crucial pour garantir un procès équitable, un droit fondamental pour toute personne impliquée dans une procédure judiciaire. En cas de violation, il est possible de saisir la CEDH, mais il est essentiel de bien préparer votre dossier et d’être assisté par un avocat spécialisé pour maximiser vos chances de succès. Ces professionnels apportent une expertise indispensable, une préparation minutieuse et une représentation efficace devant la Cour, vous permettant ainsi de défendre vos droits de manière optimale.
Dans notre expérience professionnelle, nous avons réussi à obtenir à plusieurs reprises des condamnations pour non-respect du droit à un procès équitable, par exemple :
1. Affaire Rocchia contre France (2023)
Dans cette affaire la CEDH a reconnu qu’il existait une violation du droit à un procès équitable, en raison de la charge disproportionnée imposée à la requérante par les juridictions internes française, qui ont déclaré irrecevable l’appel correctionnel formé pour son compte par son mari sans prendre en compte d’autres éléments que les constatations de l’acte d’appel irrégulièrement établi par le greffe de la cour d’appel.
2. Affaire Scavetta contre Monaco (2017)
Dans cette affaire la CEDH a reconnu qu’il existait une violation du droit à un procès équitable, parce que le requérant n’avait pas eu la possibilité de prendre connaissance des conclusions adverses et de les commenter dans des conditions satisfaisantes, ce qui a méconnu son droit à une procédure contradictoire.