La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) joue un rôle crucial dans la protection des droits fondamentaux au sein des États membres du Conseil de l’Europe.
Basée à Strasbourg, elle veille au respect des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme mais son intervention s’articule autour d’une procédure bien définie, qu’il faut faire attention à respecter.
Quelles sont les étapes pour saisir la CEDH ?
La saisine de la CEDH est une démarche complexe et structurée en plusieurs étapes essentielles. Avant de soumettre une requête, il est crucial de prendre en compte l’importance des certaines étapes préparatoires.
1. Épuisement des voies de recours internes
Avant de saisir la CEDH, il est impératif de s’assurer qu’on a épuisé toutes les voies de recours internes dans son propre pays. Cela signifie que toutes les juridictions nationales susceptibles d’être compétentes ont dû être saisies, ce qui la plupart du temps suppose un jugement de première instance, un arrêt de cour d’appel et une décision de cour suprême (Cour de cassation, Conseil d’État, Tribunal fédéral, etc.).
Ce critère vise à permettre aux États de remédier par eux-mêmes à la violation des droits de l’homme présente dans le dossier et de ne laisser la CEDH compétente qu’en cas d’échec des institutions étatiques nationales.
2. Délai de saisine
La requête à la CEDH doit être déposée dans un délai de quatre mois, qui commence à courir à la date à laquelle a été rendue la dernière décision nationale.
Il faut donc faire très attention, car ce délai commence immédiatement après le prononcé du dernier jugement, ce qui impose une vigilance accrue pour éviter d’être forclos.
3. Préparation de la requête
Le requérant doit remplir un formulaire de requête, fourni par la CEDH (à télécharger sur son site internet ou à demander par courrier) en résumant les faits et la procédure et surtout en détaillant les violations alléguées de ses droits fondamentaux, en les reliant aux droits protégés par la Convention européenne des droits de l’homme.
Ce formulaire doit être complété avec précision pour éviter que le Greffe de la CEDH ne déclare qu’en raison du non-respect des instructions du formulaire, la requête ne sera pas examinée par la Cour, auquel cas le dossier envoyé à la Cour est immédiatement détruit et impose de tout recommencer, sans que le délai n’ait été arrêté pour autant (article 47 du Règlement de la Cour).
C’est l’étape la plus délicate, la plus difficile aussi pour les particuliers comme pour les avocats qui ne sont pas spécialisés dans ce type de recours.
Comment se déroule la procédure devant la CEDH ?
Une fois que le dossier de requête a été déposé dans les temps et que le greffe de la Cour l’a jugé complet, la CEDH entame son processus d’examen, divisé en plusieurs phases, dont le premier et le plus important est celui de la recevabilité.
1. Vérification de la recevabilité
Tout d’abord, la Cour vérifie si la requête respecte les critères de recevabilité, notamment les critères procéduraux, comme le respect du délai de quatre mois et l’épuisement des recours internes préalables, mais aussi des critères de fond, comme l’existence probable d’une violation des droits fondamentaux.
2. Traitement par un juge unique ou une formation collégiale
Selon la complexité de l’affaire, la requête peut être traitée par un juge unique (pour les décisions d’irrecevabilité) ou une commission de trois juges (pour les cas où la solution est certaine) ou par une formation collégiale lorsque la violation est probable mais suppose que l’État mis en cause présente sa défense, ce qui inclus éventuellement la formation de grande chambre pour les affaires d’une importance exceptionnelle.
3. Phase non contentieuse : la tentative de règlement à l’amiable
Lorsqu’une formation collégiale est saisie, la Cour encourage tout d’abord les parties à trouver une solution amiable, ce qui en pratique dépend essentiellement de la bonne volonté du gouvernement défendeur et de sa disposition à proposer au requérant une indemnité, appelée satisfaction équitable.
4. Phase contentieuse : l’examen formel de la requête
Lorsque les parties n’ont pas souhaité parvenir à une solution amiable, ce qui arrive très souvent, la procédure passe en phase contentieuse et la Cour procède alors à un examen approfondi de la requête, en demandant à entendre les arguments du gouvernement défendeur et les répliques du requérant à ces arguments.
5. Décision finale
Si la CEDH estime que les droits fondamentaux du requérant ont été violés, elle prononce une décision finale, accompagnée d’une analyse détaillée des arguments soumis et de la violation alléguée.
En cas de reconnaissance d’une violation des droits de l’Homme, cette décision servira de jurisprudence pour orienter les États dans l’application de la Convention et de reconnaissances des torts subis par le requérant, lequel pourra aussi prétendre à une indemnité pécuniaire appelée « satisfaction équitable ».
La satisfaction équitable est une compensation financière destinée à réparer les dommages subis par le requérant en raison des violations de ses droits fondamentaux, y compris le remboursement des frais d’avocats exposés pour porter l’affaire devant la CEDH.
Dans certains cas rares, la décision de la Cour peut amener à faire rouvrir le dossier au niveau national, à la demande du requérant, notamment pour ce qui est des procédures pénales.
Quelles sont les violations le plus souvent reconnus par la CEDH ?
De nombreuses violation des droits fondamentaux sont constatées chaque année par la CEDH, mais certaines violations reviennent plus souvent que d’autres.
1. Le droit à un procès équitable
L’article 6 de la Convention, qui garantit le droit à un procès équitable, est de loin l’un des articles les plus souvent invoqués par les requérants et donc aussi celui qui est le constaté.
En 2022, environ 40 % des décisions de violation concernaient cet article, incluant des problèmes comme des délais excessifs dans les procédures judiciaires, l’absence d’impartialité ou d’indépendance des juges, l’absence de représentation légale adéquate, ce qui démontre combien les justiciables sont désireux d’obtenir des réponses équitables à leurs problèmes judiciaires.
2. Le droit à la liberté et à la sûreté
Le droit à la liberté et à la sûreté, protégé par l’article 5, est aussi régulièrement invoqué, pour des affaires qui traitent le plus souvent de détentions arbitraires, de rétentions abusives ou de placements en garde à vue contestables. En 2021, les violations de l’article 5 représentaient environ 20 % des cas de condamnation, notamment dans des pays où les arrestations préventives sont fréquentes sans contrôle judiciaire suffisant.
3. Le droit au respect de la vie privée et familiale
L’article 8, qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale connaît suscite aussi un nombre significatif de décisions de violation. Les affaires concernent souvent des atteintes à la vie privée (comme des mesures de surveillance illégale) ou des conflits concernant les droits parentaux. Environ 15 % des décisions de la CEDH en 2022 concernaient cet article, ce qui illustre la difficulté de trouver un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt public et le respect des libertés individuelles.
4. La protection contre les traitements inhumains et dégradants
L’article 3 de la Convention, interdisant la torture et les traitements inhumains ou dégradants, est également régulièrement invoqué, notamment dans des affaires liées à des conditions de détention insalubres ou à des traitements abusifs lors d’une arrestation. En 2021, environ 10 % des affaires ayant donné lieu à une condamnation de la CEDH concernaient des violations de l’article 3.
5. Le respect du droit de propriété
Le droit au respect des biens est protégé par l’article 1 du Protocole additionnel no 1 et garantit à toute personne le droit de jouir paisiblement de ses biens, en les protégeant contre des ingérences excessives de l’État. Les affaires relatives à cet article concernent souvent des expropriations, des restrictions excessives sur l’usage des biens ou des questions fiscales. En 2022, environ 8 % des condamnations de la CEDH portaient sur des violations de cet article, ce qui démontre la sensibilité du sujet pour les justiciables.
Conclusion
La procédure devant la CEDH est complexe et très particulière, parce qu’il s’agit d’une institution internationale unique, dont le seul but est de veiller au respect des droits et libertés fondamentaux des citoyens des États membres du Conseil de l’Europe, en ayant le pouvoir unique de rendre des décisions contraignantes et directement applicables.
En cas de violation, les États concernés se conforment aux décisions de la CEDH, même lorsqu’il s’agit d’accorder des mesures de réparation financière pour les victimes ou d’adopter des réformes juridiques ou administratives, voire des modifications de lois nationales pour prévenir de futures violations. Cette portée concrète des décisions, couplée à son rôle de garante des droits fondamentaux, fait de la CEDH une institution exceptionnelle dans le paysage du droit international, offrant aux citoyens européens un recours direct et effectif pour défendre leurs droits.