Les recours après un jugement du Tribunal fédéral en Suisse et l’option consistant à saisir la Cour européenne des droits de l’homme

La justice suisse a plutôt bonne réputation, elle est représentative du sérieux qui est attendu du pays lui-même, mais même dans un système aussi rigoureux, il arrive que des décisions, même si elles sont allées jusqu’au Tribunal fédéral, posent question.

Quand c’est le cas, il est important de comprendre les options de recours disponibles, pour ceux qui cherchent quelles sont les différentes possibilités d’action qui restent après un jugement du Tribunal fédéral Suisse, en insistant tout particulièrement sur la possibilité d’utiliser la procédure de requête à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Le système judiciaire fédéral suisse

Avant toute chose, rappelons brièvement les principes fondamentaux qui fondent le système judiciaire suisse, lequel est structuré en plusieurs niveaux de juridiction.

Les litiges commencent généralement devant les tribunaux de première instance, puis passent par des cours d’appel cantonale et, éventuellement, atteignent en dernier ressort le Tribunal fédéral, qui est la plus haute instance judiciaire du pays.

Le Tribunal fédéral a le pouvoir de statuer sur une grande variété de litiges différents, aussi bien en droit public qu’en droit civil ou en droit pénal.

Une fois que le Tribunal fédéral a rendu sa décision, celle-ci est en principe irrévocable et le dossier est alors définitivement clôt.

Toutefois, il existe encore des possibilités de recours pour les parties qui estiment que la décision fédérale n’a pas pris en compte tous les éléments pertinents ou que cette décision repose sur une application erronée du droit.

Quelles sont les options de recours après un jugement du Tribunal fédéral en Suisse ?

1. La révision d’un jugement

La révision est l’une des premières options disponibles pour contester un jugement du Tribunal fédéral.

Elle peut être demandée dans les cas où émergent des faits nouveaux ou des preuves qui n’étaient pas connus lors du jugement initial.

Ces éléments doivent être suffisamment significatifs pour justifier une réévaluation du cas.

Par exemple, si une preuve cruciale est découverte après le jugement, elle pourrait motiver une demande de révision.

Ces nouveaux faits ou preuves doivent être pertinents et susceptibles d’influencer le résultat du jugement.

Il ne s’agit pas simplement de présenter de nouvelles informations, mais de démontrer que ces éléments auraient pu modifier la décision si le tribunal en avait eu connaissance.

La demande de révision doit être soumise dans un délai fixé par la loi, qui est généralement de 90 jours, délai courant à partir de la découverte du fait nouveau.

2. La rectification ou l’interprétation d’un jugement

Une autre option de recours est la demande de rectification ou d’interprétation du jugement rendu par le Tribunal fédéral.

Ce recours vise à corriger des erreurs évidentes ou à clarifier des points du jugement qui peuvent prêter à confusion.

La demande de rectification ou d’interprétation est une voie de recours pertinente lorsque le jugement contient des erreurs matérielles, comme des fautes de frappe, des erreurs de calcul ou des omissions claires.

Par exemple, une erreur dans la somme d’argent accordée dans un litige financier pourrait justifier une rectification.

Quelles conditions faut-il remplir ?

Les erreurs doivent être manifestes et indiscutables pour qu’une rectification soit accordée.

En ce qui concerne l’interprétation, elle peut être demandée lorsque le sens du jugement n’est pas clair ou lorsqu’il existe des divergences d’interprétation qui nécessitent une clarification par le tribunal.

La procédure pour demander une rectification ou une interprétation est relativement rapide et vise à assurer que le jugement reflète fidèlement la décision du tribunal sans modifier le fond de l’affaire.

3. Le recours à une instance internationale de protection des droits de l’Homme

Dans la plupart des cas, après avoir épuisé tous les recours internes en Suisse, il ne reste plus qu’un recours, qui consiste à saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), qui est la principale juridiction internationale de protection des droits de l’Homme et auprès de laquelle un recours peut la plupart du temps être déposé.

Recours devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)

La Suisse a ratifié la Convention européenne des droits de l’homme en 1974, permettant ainsi à ses ressortissants de saisir la CEDH lorsqu’ils estiment que leurs droits fondamentaux ont été violés.

Quelles conditions d’éligibilité ? :

Il faut d’abord avoir épuisé les voies de recours internes en Suisse, ce qui veut dire qu’avant de pouvoir saisir la CEDH, il est nécessaire d’être passé par toutes les procédures suisses disponibles, ce qui suppose donc d’avoir saisi le Tribunal fédéral et d’avoir eu sa réponse.

Il faut aussi respecter un certain délai : le recours doit être déposé à la CEDH dans les quatre mois suivant le jugement rendu par le Tribunal fédéral.

Il faut une violation des droits de l’homme, car le type d’argument qui peut être invoqué devant la CEDH ne peuvent venir que de la violation des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’Homme, par exemple : le droit à un procès équitable, le droit d’être présumé innocent, le droit au respect de la vie privée et familiale ou encore la liberté d’expression.

Il vaut mieux avoir un avocat spécialisé qui a l’habitude d’agir devant la Cour européenne des droits de l’homme pour préparer un recours solide et éviter que le dossier ne soit rejeté au bout de 2 semaines pour avoir été présenté de façon incorrecte.

Le recours à un avocat n’est pas obligatoire, mais la procédure devant la CEDH est tellement complexe et spécifique qu’il est plus raisonnable de prévoir d’agir après avoir consulté un expert des droits de l’homme ou en mandatant un avocat habitué aux subtilités de la procédure de la CEDH.

Quel intérêt de saisir la CEDH ?

En Suisse, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les droits fondamentaux garantis par la CEDH, priment sur le droit fédéral.

La loi fédérale sur le Tribunal fédéral prévoit ainsi que lorsque la CEDH constate une violation des droits de l’Homme, il est possible de demander la révision de l’arrêt du Tribunal fédéral qui était contesté devant la CEDH.

Dans ce cas, il est possible de demander au Tribunal fédéral d’’annuler son jugement et de reprendre la procédure : le Tribunal fédéral a précisé qu’il devait admettre une demande de révision même lorsqu’il n’était pas convaincu du bien-fondé de l’arrêt de la CEDH.

La CEDH peut également allouer directement des dommages et intérêts au particulier qui l’a saisi, pour le dédommager des violations constatées, sans que le justiciable ne soit obligé de saisir à nouveau le Tribunal fédéral.

Besoin d’aide ? Contactez un avocat spécialisé en CEDH pour obtenir des conseils juridiques adaptés à votre situation.

FAQ

Quels sont les délais pour demander une révision au Tribunal fédéral ?

Si c’est pour invoquer une violation de règles de procédure, il faut agir dans les trente jours de la réception de l’expédition complète de la décision.

Si c’est pour une violation de la Convention européenne des droits de l’homme, il faut agir dans les nonante jours dès la notification de la décision des autorités européennes par l’Office fédéral de la justice.

Pour les autres motifs, il faut agir dans les nonante jours de la découverte du motif de révision.

Attention, après dix ans, la révision ne peut plus être demandée qu’en matière de crime ou délit.

Quels types de preuves sont-ils considérés comme « nouveaux » dans le cadre d’une demande de révision au Tribunal fédéral ?

Pour être nouvelles, les preuves doivent être non connues ou non accessibles lors du jugement initial et suffisamment pertinentes pour justifier une réévaluation du cas.

Quelles erreurs peuvent justifier une demande de rectification ? 

Des erreurs matérielles telles que des fautes de frappe, des erreurs de calcul, ou des omissions évidentes dans le jugement peuvent justifier une demande de rectification

Quelle est la différence entre une révision, une rectification et une interprétation d’un jugement fédéral? 

La révision concerne l’introduction de nouveaux faits ou preuves, la rectification corrige des erreurs matérielles, et l’interprétation clarifie des points du jugement qui sont ambiguës ou contestés.

Combien de temps prend la procédure de révision ou de rectification d’un jugement fédéral ? 

La durée de la procédure varie en fonction de la complexité de l’affaire, mais elle est généralement plus courte que les procédures ordinaires.

Quels sont les critères pour saisir la CEDH ?  

Il est nécessaire d’avoir épuisé toutes les voies de recours internes, puis de déposer le recours dans les quatre mois suivant la décision finale du Tribunal fédéral, en invoquant une violation des droits européens de droits de l’Homme, au moyen du formulaire de requête imposé par la CEDH.

Est-il obligatoire de passer par un avocat pour déposer un recours devant la CEDH ?

Bien que ce ne soit pas obligatoire, il est fortement recommandé de consulter un avocat spécialisé pour minimiser les risques que la requête ne soit rejetée sans examen parce qu’elle a été mal-rédigée et pour maximiser les chances de succès du recours.

Quels sont les frais liés à un recours devant la CEDH ?

Saisir la CEDH ne coûte rien, même si votre requête est rejetée : il n’y a pas de frais, qu’il s’agisse de taxe, émolument, droits procéduraux, etc.

Attention toutefois, lorsque le recours devant la CEDH est confié à un avocat, il faudra bien évidemment prévoir de payer les honoraires de cet avocat.

Les seules dépenses qu’un recours à la CEDH peuvent engendrer se résument donc aux honoraires de l’avocat choisi pour introduire la requête devant la Cour.

Comment savoir si j’ai des chances de succès devant la CEDH ?

La meilleure façon de savoir, c’est de consulter un avocat spécialisé en droits de l’homme et, si possible, un avocat qui a l’habitude d’introduire des requêtes devant la CEDH ?

Est-ce que ça marche : la CEDH ose-telle vraiment condamner la Suisse ?

Cela arrive régulièrement.

La décision récente la plus connue, Affaire Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres c. Suisse du 09 avril 2024, concerne le droit des individus d’être protégés par l’État contre les effets néfastes graves du changement climatique et condamne l’inaction de l’État suisse.

Mais il n’est pas besoin de se référer à des principes aussi graves ou généraux pour obtenir gain de cause.

Le 20 février 2024, dans l’affaire I.L. c. Suisse, la CEDH a condamné la Suisse en raison de la détention d’un détenu en isolement au sein d’établissements pénitentiaires ne pouvant lui offrir des soins appropriés, isolant ainsi une violation du l’interdiction des traitements inhumains et dégradants (article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme).

Le 13 février 2024, l’arrêt Ann-Zwicker et Jann c. Suisse condamnait la Suisse pour violation du droit à un procès équitable (article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme) en raison des délais trop courts laissés aux victimes de l’amiante pour demander un dédommagement.

Dans l’arrêt B.F. et autres c. Suisse du 04 juillet 2023, la CEDH censure les règles suisses qui imposent à certains réfugiés une condition d’indépendance financière pour leur accorder une autorisation de regroupement familial.

Dans l’arrêt D.B. et autres c. Suisse rendu par la CEDH le 22 novembre 2022, la Suisse a été condamné pour avoir violé le droit à la vie familiale (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme) d’un père qui n’a pas pu obtenir la reconnaissance de son lien familial avec son enfant.

Dans l’arrêt I.M. c. Suisse du 9 avril 2019, la Suisse a été condamnée par la CEDH pour avoir violé le droit à la vie privée et familiale (article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme) en raison de la décision d’expulsion du requérant vers le Kosovo.

Contacter nos avocats spécialistes en droits de l'Homme
  • Par courrier postal : 
67 rue Boecklin, 
67000 Strasbourg, France
  • Par téléphone : 03 88 21 81 25
  • Via notre formulaire