Condition d'épuisement préalable des voies de recours internes devant la CEDH

Lorsqu'une personne souhaite saisir la CEDH pour violation de ses droits, elle doit préalablement épuiser toutes les voies de recours internes disponibles. Cette condition est essentielle pour garantir le respect du principe de subsidiarité de la Convention européenne des droits de l'homme, qui prévoit que les États parties doivent protéger les droits de l'homme à l'échelon national avant de recourir aux instances internationales.

  • Quelles sont les voies de recours internes à épuiser ?

Les voies de recours internes varient selon les pays. En général, il s'agit des recours judiciaires devant les juridictions nationales. Par exemple, en France, il faut en principe épuiser les voies de recours devant le Conseil d'État, la Cour de cassation ou la Cour d'appel avant de saisir la CEDH. Cependant, il existe des exceptions à cette règle, notamment lorsque la voie de recours interne est inefficace ou insuffisante.

  • Comment épuiser les voies de recours internes ?

Pour épuiser les voies de recours internes, il faut en principe aller jusqu'au bout de la procédure, c'est-à-dire jusqu'à ce que toutes les juridictions compétentes aient rendu leur décision finale. Il est important de noter que cette condition s'applique également aux recours extraordinaires ou non-obligatoires, tels que les pourvois en cassation.

  • Quelles sont les conséquences de l'inobservation de la condition d'épuisement des voies de recours internes ?

Si une personne saisit la CEDH sans avoir préalablement épuisé les voies de recours internes, la Cour peut déclarer la requête irrecevable pour non-respect de la condition de recevabilité. En outre, même si la CEDH admet la requête, elle peut considérer que le requérant n'a pas subi de violation de ses droits, si une voie de recours interne a été négligée.

  • En conclusion

 

La condition d'épuisement des voies de recours internes est une étape incontournable pour saisir la CEDH en matière de violation des droits de l'homme. Cette condition vise à favoriser le règlement des litiges au niveau national et à limiter les recours abusifs devant les instances internationales.

 

Fondement de la règle de l'épuisement préalable des voies de recours internes disponibles

Cette condition de recevabilité est fondée sur les principes de droit international généralement reconnus, comme l’indique le texte de l’article 35 : cette obligation fait partie du droit international coutumier, reconnu en tant que tel par la jurisprudence de la Cour internationale de justice et se rencontre aussi dans d’autres traités internationaux relatifs aux droits de l’homme.

 

Comme la Cour européenne des droits de l'homme joue un rôle subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de protection des droits de l’homme, il faut que les tribunaux nationaux aient initialement la possibilité de trancher les questions de compatibilité du droit interne avec la Convention européenne des droits de l'homme.

 

L’article 35 § 1 ne concerne que les recours internes ; il n’impose pas d’user des recours prévus dans le cadre d’organisations internationales.

 

Au contraire, si le requérant a déjà soumis la requête à une autre instance internationale d’enquête ou de règlement, elle peut être rejetée au titre de l’article 35 § 2 b) de la Convention.

 

Cependant, le principe de subsidiarité peut nécessiter l’épuisement des voies de recours internes dans le cadre desquelles le juge interne avait saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle.

 

C'est la Cour qui détermine la nature interne ou internationale d’une juridiction donnée, compte tenu de tous les facteurs pertinents, notamment sa nature juridique, l’instrument qui a prévu sa création, sa compétence, sa place dans le système judiciaire existant et son financement.

 

 

Application de la règle de l'épuisement préalable des voies de recours internes disponibles

Une application souple

 

La Cour européennes des droits de l’homme a fréquemment souligné qu’il fallait appliquer cette règle avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif, étant donné le contexte de protection des droits de l’homme et la Cour tolère que le dernier échelon des recours internes soit atteint après le dépôt de la requête, mais avant qu’elle ne soit appelée à se prononcer sur la recevabilité de celle-ci et juge aussi qu’il serait trop formaliste d’exiger des intéressés qu’ils usent d’un recours que même la juridiction suprême du pays ne les obligeait pas à exercer.

 

La Cour a pu prendre en considération dans une affaire la brièveté des délais impartis au requérant pour répondre en soulignant la « hâte » avec laquelle ils

avaient dû présenter leurs arguments.

 

Le respect des règles internes

 

Les requérants doivent observer les règles et procédures applicables en droit interne, sinon leur requête risque d’être rejetée faute d’avoir satisfait à la condition de l’article 35.

 

L’article 35 § 1 n’est pas respecté lorsqu’un recours n’est pas admis à cause d’une erreur procédurale émanant du requérant et la Cour doit s’assurer que ces règles posaient des exigences légales obligatoires pré-éxistantes découlant de la

législation ou de la jurisprudence bien établie.

 

Toutefois, lorsqu’une juridiction de recours examine le bien-fondé d’un recours et le considère comme étant irrecevable, l’article 35 § 1 sera tout de même respecté.

 

La Cour considère également le recours disponible comme ayant été exercé alors qu’une Cour constitutionnelle a déclaré le recours irrecevable, quand le requérant a

soulevé suffisamment en substance le grief relatif à une atteinte alléguée à des droits découlant de la Convention .

 

C’est le cas aussi pour celui qui n’a pas observé les formes requises en droit interne, si la substance de son recours a néanmoins été examinée par l’autorité compétente ou pour un recours formulé de manière très sommaire et à peine compatible avec les exigences légales, sur le fond duquel le juge s’est prononcé, même brièvement.

 

Hypothèse où plusieurs voies de recours existent

 

Si le requérant dispose de plus d’une voie de recours pouvant être effective, il

est uniquement dans l’obligation d’utiliser l’une d’entre elles, c’est au requérant de sélectionner le recours qui est le plus approprié dans son cas.

 

Grief soulevé en substance

 

Il n’est pas nécessaire que le droit consacré par la Convention soit explicitement invoqué dans la procédure interne, pour autant que le grief soit soulevé « au moins en substance », c'est-à-dire si le requérant a soulevé des moyens d’effet équivalent ou similaire fondés sur le droit interne, afin d’avoir donné l’occasion aux juridictions nationales de remédier en premier lieu à la violation alléguée.

 

La circonstance que les juridictions nationales auraient pu, voire dû, examiner d’office le litige sous l’angle de la Convention ne saurait dispenser le requérant de cette obligation de soulever le grief au préalable. 

 

Pour que les voies de recours internes soient dûment épuisées, il ne suffit pas qu’une violation de la Convention ressorte de façon « évidente » des faits de la cause ou des allégations du requérant, il faut que le requérant se soit réellement plaint d’une violation des droits tirés de la Convention, d’une façon qui ne laisse subsister aucun doute sur le fait que le grief par la suite soumis à la Cour a

bien été soulevé au niveau interne

 

Existence et caractère approprié du recours interne

 

Les requérants sont uniquement tenus d’épuiser les voies de recours internes disponibles – qu’ils peuvent directement engager eux-mêmes – et effectives tant en théorie qu’en pratique à l’époque des faits, c’est-à-dire qui étaient accessibles, susceptibles de leur offrir le redressement de leurs griefs et présentaient des perspectives raisonnables de succès.

 

Il n’est pas nécessaire d’épuiser les voies de recours discrétionnaires ou extraordinaires, par exemple en demandant à un tribunal de réviser sa décision ou en demandant une réouverture de la procédure ou en exerçant un simple recours hiérarchique.

 

La réponse à la question de savoir si le recours individuel devant la juridiction constitutionnelle s’impose en vertu de l’article 35 § 1 de la Convention dépend largement des particularités du système juridique de l’État en cause et de l’étendue des compétences de sa Cour constitutionnelle.

 

Quand un requérant a tenté d’utiliser une voie de recours que la Cour juge peu appropriée, le temps pris pour ce faire n’empêche pas le délai de quatre mois de courir, ce qui peut conduire au rejet de la requête pour non-respect de ce délai.

 

Accessibilité et effectivité

 

Les recours doivent exister à un degré suffisant de certitude, en pratique comme en théorie.

 

Pour apprécier le fait qu’une voie de recours particulière satisfait ou non à la condition d’accessibilité et d’effectivité, il convient de tenir compte des circonstances particulières de l’affaire concernée.

 

La jurisprudence nationale doit être suffisamment consolidée dans l’ordre juridique national. Ainsi, la Cour a pu estimer que le recours à une juridiction supérieure

perd son caractère « effectif » du fait des divergences jurisprudentielles au sein de cette juridiction, et ce tant que ces divergences continuent d’exister.

 

Ainsi, par exemple, la Cour a jugé que, lorsqu’un requérant se plaint de ses conditions de détention après que celle-ci a déjà cessé, un recours indemnitaire disponible et adéquat – c’est-à-dire présentant pour le requérant des perspectives raisonnables de succès – est un recours à épuiser conformément à l’article 35 § 1 de la Convention.

 

Toutefois, si le requérant était toujours détenu au moment où il a introduit sa requête, le recours doit pouvoir empêcher la continuation de la violation alléguée pour être réputé avoir un caractère effectif.

 

Lorsqu’un requérant cherche à éviter d’être renvoyé par un État contractant dans un État tiers, en raison d’un risque allégué de violation de l’article 2 ou de l’article 3 un recours n’est effectif que s’il est doté d’un effet suspensif.

 

À l’inverse, si un recours a un effet suspensif, le requérant est normalement tenu de l’exercer.

 

Dans le contexte de l’article 5 de la Convention, les recours préventifs et les recours compensatoires sont complémentaires. Une voie de recours qui ne permet pas la remise en liberté de l’intéressé ne peut pas être considérée comme une voie de recours effective alors que perdure la privation de liberté contestée.

 

Cependant, lorsqu’un requérant soutient qu’il a été détenu en méconnaissance du droit interne et que la détention litigieuse a pris fin, une action en réparation à

même d’aboutir à une reconnaissance de la violation alléguée et à l’octroi d’une indemnité est en principe un recours effectif qui doit être exercé si son efficacité en pratique a été établie de manière convaincante.

 

Il est à noter que des frontières, de fait ou de droit, ne mettent pas en soi obstacle à l’épuisement des voies de recours internes ; en principe, des requérants qui résident hors de la juridiction d’un État contractant ne sont pas déliés de l’obligation d’épuiser les voies de recours internes dans cet État, en dépit des inconvénients pratiques que cela représente ou d’une réticence personnelle compréhensible

 

 

Limites à la règle de l'épuisement préalable des voies de recours internes disponibles

Certaines circonstances particulières peuvent dispenser le requérant de l’obligation d’épuiser les voies de recours internes qui s’offrent à lui.

 

Cette règle ne s’applique pas non plus lorsqu’est prouvée une « pratique administrative » consistant dans la répétition d’actes interdits par la Convention et la tolérance officielle de l’État, de sorte que toute procédure serait vaine ou ineffective.

 

Toutefois, c’est seulement si les deux éléments constitutifs de la « pratique administrative » alléguée (la « répétition des actes » et la « tolérance officielle ») sont suffisamment étayés par un commencement de preuve que la règle de l’épuisement prévue par l’article 35 § 1 de la Convention ne s’applique pas.

 

Si, dans un cas particulier, exiger du requérant qu’il forme un recours serait en pratique déraisonnable et constituerait un obstacle disproportionné à l’exercice efficace de son droit de recours individuel, garanti par l’article 34 de la Convention, la Cour conclut qu’il en est dispensé.

 

Dans les situations faisant naître des doutes légitimes sur l’impartialité d’un juge au regard de l’article 6 de la Convention, il n’est pas forcément nécessaire que le requérant demande la récusation du juge ; celui-ci doit plutôt se déporter si le droit national le requiert.

 

Aspect procéduraux de la règle d'épuisement préalable des voies de recours internes

L’obligation pour le requérant d’épuiser les voies de recours internes s’apprécie en principe à la date d’introduction de la requête devant la Cour, sauf exception justifiée par les circonstances d’une affaire donnée.

 

Ainsi, en principe, une demande de mesure provisoire fondée sur l’article 39 du règlement de la Cour peut être soumise à la Cour avant le dépôt d’un formulaire de requête.

 

Néanmoins, la Cour tolère que le dernier échelon d’un recours soit atteint peu après le dépôt de la requête mais avant qu’elle ne se prononce sur la recevabilité de celle-ci.

 

Lorsque le gouvernement entend soulever une exception de non-épuisement, il doit le faire, pour autant que la nature de l’exception et les circonstances le permettent, dans ses observations écrites ou orales sur la recevabilité de la requête ; seules des circonstances exceptionnelles peuvent le dispenser de cette obligation.

 

À ce stade, lorsque la requête a été communiquée au gouvernement défendeur et que celui-ci n’a pas soulevé d’exception tirée du non-épuisement des voies de recours internes, la Cour ne peut examiner une telle exception d’office.

 

Il n’est pas rare que l’exception de non-épuisement soit jointe au fond, notamment dans les affaires concernant les obligations ou les garanties procédurales.

Hypothèse de la création d'une nouvelle voie de recours

 

L’épuisement des voies de recours internes est normalement évalué en fonction de l’état de la procédure à la date où la requête a été déposée devant la Cour.

 

Cependant, cette règle souffre des exceptions.

 

La Cour s’est en particulier écartée de cette règle dans des affaires visant des durées de procédure à la suite de nouveaux recours ou concernant un nouveau recours indemnitaire pour ingérence dans le droit de propriété ou pour l’inexécution de jugements internes ou en matière de surpopulation carcérale ou concernant des conditions de détention inadéquates.

 

La Cour prend en compte le caractère effectif et accessible des nouveaux recours qui sont intervenus.

 

Concernant le moment à partir duquel il devient équitable d’opposer au requérant une voie de recours nouvellement intégrée dans le système juridique d’un État à la suite d’une nouvelle jurisprudence, la Cour a dit que l’équité commande de prendre en compte un laps de temps raisonnable, nécessaire aux justiciables pour avoir effectivement connaissance de la décision interne qui la consacre.

 

 

Si la Cour estime que la nouvelle voie de recours est effective, cela signifie que les auteurs de requêtes analogues doivent épuiser cette nouvelle voie, pour autant qu’ils n’en soient pas empêchés par des questions de délai.

 

L’appréciation des circonstances exceptionnelles exigeant du requérant d’épuiser ce recours prendra notamment en compte la nature de la nouvelle réglementation nationale et le contexte dans lequel celle-ci est intervenue.