La Cour européenne des droits de l'Homme et l'indemnisation due après une relaxe ou un non-lieu

 

Le droit européen des droits de l'homme n'implique pas qu'une relaxe ou un non-lieu ouvre automatiquement droit à une réparation.

 

Selon la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), c'est aux États contractants de définir les critères de réparation dans de telles circonstances.

 

La CEDH vérifie simplement que ces modalités ne dépassent pas la marge d'appréciation laissée aux États.

 

Dans un arrêt rendu le 1er juin 2023, la CEDH a rappelé cette position dans une décision unanime de la Grande Chambre concernant l'affaire Fu Quan S.R.O. c. République Tchèque.

 

La Cour souligne que cette approche est d'autant plus valable lorsqu'une société demande réparation pour des dommages subis en raison d'une procédure pénale où elle n'était pas partie, mais qui ciblait son directeur général ou un autre associé.

 

 

Les leçons de l'arrêt de la CEDH, Grande Chambre, Fu Quan S.R.O. c. République Tchèque, du 1er juin 2023

Faits : demande d'indemnisation pour des saisies effectuées pendant une procédure pénale

L'affaire concerne la saisie en 2005 de tous les biens de la société requérante, évalués à 2 millions d'euros, dans le cadre de poursuites pénales pour fraude fiscale dirigées contre le directeur général et un autre associé.

 

Ces biens sont restés saisis pendant cinq ans, causant ainsi un préjudice considérable à la société.

 

En 2009, les prévenus ont été relaxés après un appel, et cette décision est devenue définitive.

 

En 2010, les fonds et les marchandises saisis ont été restitués à la société.

 

En 2011, la société a engagé la responsabilité de l'État pour demander réparation du préjudice causé par ces saisies.

 

Cependant, les juridictions nationales ont rejeté l'action au motif que seules les parties à une procédure illégale pouvaient demander réparation en vertu de la loi sur la responsabilité de l'État.

 

En mars 2014, une requête a été introduite devant la CEDH, invoquant l'article 1 du Protocole no 1 (protection de la propriété) ainsi que les articles 6 § 1 (droit à un procès équitable) et 13 (droit à un recours effectif) de la Convention européenne des droits de l'homme.

 

La société se plaignait d'avoir été illégalement privée de ses biens et d'avoir été empêchée d'accéder à un tribunal.

 

 

Solution : le droit à indemnisation est dépendant des dispositions existantes en droit national

Le 17 mars 2022, une chambre de la Cour a conclu, par cinq voix contre deux, à une violation de l'article 1 du Protocole no 1, sans examiner les griefs fondés sur les articles 6 § 1 et 13 de la Convention.

 

L'État défendeur a été condamné à verser à la société requérante une indemnisation de 12 millions de couronnes tchèques pour le dommage matériel.

 

Le 5 septembre 2022, à la demande du gouvernement tchèque, l'affaire a été renvoyée devant la Grande Chambre de la CEDH.

 

Le 1er juin 2023, la Grande Chambre a rendu une décision unanime, sans tenir d'audience, déclarant que les griefs étaient irrecevables.

 

Concernant le droit à un tribunal (articles 6 et 13), la Grande Chambre estime que la société requérante a soulevé des arguments devant la Cour qu'elle n'a pas présentés devant les tribunaux nationaux.

 

De plus, la société aurait pu intenter une nouvelle action pour demander réparation dans un délai de quatre mois après la décision définitive rejetant son action initiale.

 

 

Par conséquent, le grief de la société requérante concernant le déni d'accès à un tribunal est déclaré irrecevable.

 

En ce qui concerne le droit à réparation, la Grande Chambre constate que la demande indemnitaire de la société n'avait pas de base suffisante en droit interne, car elle n'était pas partie à la procédure pénale.

 

Ainsi, l'article 1 du Protocole no 1 ne s'applique pas dans ce cas et le grief est également déclaré irrecevable.