Violation des droits d’une personne condamnée à perpétuité et ne disposant pas de perspective réaliste d’élargissement

Le 09 mai 2023, la Cour européenne des droits de l'homme a rendu son arrêt dans l'affaire Horion c. Belgique.

 

Cette affaire concerne la détention à perpétuité d'un requérant, détenu depuis 1979 et condamné à une peine de réclusion à perpétuité en 1981 pour un quintuple meurtre aux fins de vol.

 

Le requérant se plaint de subir une peine d'emprisonnement à vie incompressible de facto.

 

La Cour a conclu qu'il y avait eu violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit les traitements inhumains ou dégradants.

 

Contexte de la jurisprudence de la CEDH sur l'article 3 appliqué en matière de détention à perpétuité

L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme interdit les traitements inhumains ou dégradants. La Cour européenne des droits de l'homme a établi une jurisprudence constante en matière de détention à perpétuité, qui a été précisée dans plusieurs arrêts.

 

Dans l'arrêt Vinter et autres c. Royaume-Uni du 9 juillet 2013, la Cour a jugé que la détention à perpétuité avec une possibilité de libération conditionnelle ne constituait pas en soi une violation de l'article 3. Cependant, elle a précisé que la détention devait être assortie d'une perspective de libération réelle et effective, et que la personne détenue devait avoir la possibilité de faire valoir cette perspective devant une autorité judiciaire.

 

Dans l'arrêt Murray c. Pays-Bas du 26 avril 2016, la Cour a jugé que la détention à perpétuité sans perspective de libération constituait une violation de l'article 3. Elle a précisé que la perspective de libération devait être réelle et effective, et qu'elle devait être examinée régulièrement par une autorité judiciaire.

 

Dans l'arrêt Trabelsi c. Belgique du 4 décembre 2018, la Cour a jugé que la détention à perpétuité sans possibilité de réexamen de la peine constituait une violation de l'article 3. Elle a précisé que la possibilité de réexamen devait être réelle et effective, et qu'elle devait être examinée régulièrement par une autorité judiciaire.

 

 

La décision de la CEDH dans l'arrêt Horion c. Belgique : violation de l'article 3 de la Convention

Dans l'affaire Horion c. Belgique, la Cour a constaté que le requérant était détenu depuis 1979 et avait été condamné à une peine de réclusion à perpétuité en 1981 pour un quintuple meurtre aux fins de vol. Depuis janvier 2018, les experts psychiatres et les juridictions internes s'accordent pour estimer que la prolongation du séjour du requérant en prison n'est plus indiquée, tant au regard de la sûreté publique qu'aux fins de sa resocialisation et sa réintégration dans la société. Ils préconisent dès lors son admission dans une unité de psychiatrie légale comme étape intermédiaire avant une éventuelle mise en liberté.

 

De ce fait, les juridictions internes refusent toute autre modalité d'exécution de la peine, telle que la détention limitée ou la surveillance électronique, insistant sur le fait qu'une admission dans une unité de psychiatrie légale est une étape indispensable à la réinsertion du requérant dans la société. Or, selon ces mêmes juridictions, l'admission dans une unité de psychiatrie légale « semblait en pratique impossible pour des raisons de financement » dans la mesure où ces unités ne sont subventionnées par l'État que pour accueillir des personnes ayant le statut d'interné et non pas condamné comme le cas du requérant.

 

Dans ces circonstances, la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que l'impasse dans laquelle se trouve le requérant depuis plusieurs années, résultant de l'impossibilité pratique d'être placé dans une unité de psychiatrie légale, alors que sa détention en prison n'est plus indiquée selon les autorités internes, a pour conséquence qu'il n'a actuellement pas de perspective réaliste d'élargissement, ce qui est prohibé par l'article 3 de la Convention.

 

La Cour a souligné que la détention à perpétuité, même assortie de la possibilité d'une libération conditionnelle, constitue une peine extrêmement lourde et doit être soumise à une réévaluation régulière. Dans le cas du requérant, la perspective de réinsertion sociale est essentielle pour justifier la détention et éviter qu'elle ne devienne inhumaine ou dégradante.

 

La Cour a constaté que la prolongation de la détention du requérant en prison n'est plus justifiée au regard de la sûreté publique et de la resocialisation du requérant. Les experts psychiatres et les juridictions internes s'accordent pour dire que l'admission du requérant dans une unité de psychiatrie légale est nécessaire pour sa réinsertion sociale. Cependant, en raison de l'absence de financement de ces unités pour accueillir des condamnés tels que le requérant, celui-ci est dans une situation d'impasse et n'a pas de perspective réaliste d'élargissement.

 

La Cour a jugé que cette situation est contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit les traitements inhumains ou dégradants. En effet, le requérant est condamné à une détention à perpétuité, ce qui est une peine extrêmement lourde, mais il n'a pas de perspective réaliste de libération ou de réinsertion sociale en raison de l'impossibilité pratique de l'admission dans une unité de psychiatrie légale.

 

La Cour a donc conclu à l'unanimité à une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. Elle a ordonné aux autorités belges de prendre les mesures nécessaires pour garantir une perspective réaliste de libération ou de réinsertion sociale pour le requérant, conformément aux principes énoncés dans sa jurisprudence sur la détention à perpétuité.

 

L'affaire Horion c. Belgique est un exemple de l'importance de la perspective de libération réelle et effective pour les personnes condamnées à une détention à perpétuité. La Cour européenne des droits de l'homme a rappelé que la détention à perpétuité sans perspective de libération ou de réinsertion sociale peut constituer une violation de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui interdit les traitements inhumains ou dégradants.

 

Dans ce cas précis, la Cour a constaté que la prolongation de la détention du requérant n'était plus justifiée au regard de la sûreté publique et de sa resocialisation, mais que l'admission dans une unité de psychiatrie légale était impossible en raison du manque de financement pour les condamnés. Cette situation a créé une impasse pour le requérant, qui n'a pas de perspective réaliste de libération ou de réinsertion sociale.

 

La Cour a donc jugé que cette situation était contraire à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme et a ordonné aux autorités belges de prendre les mesures nécessaires pour garantir une perspective réaliste de libération ou de réinsertion sociale pour le requérant.

 

Cet arrêt met en évidence l'importance pour les États de mettre en place des mécanismes efficaces pour permettre aux personnes condamnées à une détention à perpétuité de faire valoir leur droit à une perspective de libération ou de réinsertion sociale réelle et effective. Il souligne également l'importance de garantir une prise en charge médicale et psychiatrique adaptée pour les personnes condamnées, afin de faciliter leur réinsertion sociale et de prévenir la récidive.

 

En somme, l'affaire Horion c. Belgique est un rappel de l'importance des droits de l'homme dans les systèmes judiciaires, notamment en ce qui concerne les peines les plus lourdes et les plus restrictives de liberté. La Cour européenne des droits de l'homme doit continuer à jouer un rôle essentiel dans la protection de ces droits fondamentaux pour tous.