Les communiqués de presse de la CEDH

 

La CEDH publie régulièrement des communiqués de presse qui comportent des résumés des arrêts ou des décisions rendus ou des informations sur les affaires pendantes et les activités de la Cour en général.

 

Ils sont en format PDF, disponibles en anglais et en français.

 

Vous pouvez en retrouver une sélection des plus récents ci-dessous.

 

L'intégralité des communiqués les plus récents est disponible sur le site de la CEDH : http://www.echr.coe.int/Pages/home.aspx?p=press&c=fre#n1347882722901_pointer

 

 

Avocat Droits de l'Homme
Cour européenne des droits de l'Homme

14.02.2023

Communiqué de presse du Greffe de la Cour : CEDH 049 (2023)

 

Violation de la liberté d’expression d’un lanceur d’alerte en raison de sa

condamnation pénale.

 

Dans son arrêt de Grande Chambre, rendu ce jour dans l’affaire Halet c. Luxembourg (requête no 21884/18), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à la majorité (douze voix contre cinq),

qu’il y a eu :

Violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

L’affaire porte sur la divulgation par M. Halet, alors qu’il était employé par une société privée, de documents confidentiels protégés par le secret professionnel consistant en 14 déclarations fiscales de sociétés multinationales et deux courriers d’accompagnement, obtenus sur son lieu de travail. À la suite d’une plainte déposée par son employeur et à l’issue de la procédure pénale engagée à son encontre, M. Halet fut condamné par la Cour d’appel au paiement d’une amende pénale de 1 000 euros ainsi qu’au paiement d’un euro symbolique en réparation du préjudice moral subi par l’employeur.

Au vu des constats qu’elle a opérés quant à l’importance, à l’échelle tant nationale qu’européenne, du débat public sur les pratiques fiscales des multinationales auquel les informations divulguées par le requérant ont apporté une contribution essentielle, la Cour estime que l’intérêt public attaché à la divulgation de ces informations l’emporte sur l’ensemble des effets dommageables résultant de celle-ci. Ainsi, après avoir pesé les différents intérêts en jeu (l’intérêt public que présente l’information divulguée et les effets dommageables de la divulgation) et pris en compte la nature, la gravité et l’effet dissuasif de la condamnation pénale infligée au requérant, la Cour conclut que l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression de ce dernier, en particulier de son droit de communiquer des informations, n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ».

Un résumé juridique de cette affaire sera disponible dans la base de données HUDOC de la Cour.

 

Principaux faits

Le requérant, Raphaël Halet, est un ressortissant français né en 1976 et résidant à Viviers (France).

À l’époque des faits, M. Halet travaillait pour la société PricewaterhouseCoopers (PwC) qui propose des services d’audit, de conseil fiscal et de conseil en gestion d’entreprise, et dont l’activité consiste notamment à établir des déclarations fiscales au nom et pour le compte de ses clients et à demander auprès des administrations fiscales des décisions fiscales anticipées. Ces décisions qui concernent l’application de la loi fiscale à des opérations futures sont appelées « Advance Tax Agreements » (ATAs) ou « rulings fiscaux » ou encore « rescrits fiscaux ».

Entre 2012 et 2014, plusieurs centaines de rescrits fiscaux et de déclarations fiscales établis par PwC furent publiés dans différents médias. Ces publications mettaient en lumière une pratique, sur une période s’étendant de 2002 à 2012, d’accords fiscaux très avantageux passés entre PwC pour le compte de sociétés multinationales et l’administration fiscale luxembourgeoise.

 

Une enquête interne menée par PwC permit d’établir qu’un auditeur, A.D., avait copié, en 2010, la veille de son départ de PwC consécutif à sa démission, 45 000 pages de documents confidentiels, dont 20 000 pages de documents fiscaux correspondant notamment à 538 dossiers de rescrits fiscaux, qu’il avait remis, en été 2011, à un journaliste (E.P.) à la demande de celui-ci.

Une deuxième enquête interne menée par PwC permit d’identifier que M. Halet avait, à la suite de la révélation par les médias de certains des rescrits fiscaux copiés par A.D., contacté le journaliste E.P. en mai 2012 en vue de lui proposer la remise d’autres documents. Cette remise eut lieu entre octobre et décembre 2012 et porta sur 16 documents, comprenant 14 déclarations fiscales et deux courriers d’accompagnement. Quelques-uns des documents furent utilisés par le journaliste E.P. dans le cadre de l’émission télévisée « Cash Investigation » diffusée en juin 2013. En novembre 2014, les 16 documents furent par ailleurs mis en ligne par une association regroupant des journalistes dénommée « International Consortium of Investigative Journalists ».

À la suite d’une plainte déposée par PwC, une procédure pénale fut engagée, à l’issue de laquelle M. Halet fut condamné, en appel, au paiement d’une amende pénale de 1 000 euros ainsi qu’au paiement d’un euro symbolique en réparation du préjudice moral subi par PwC. Dans son arrêt, la Cour d’appel conclut notamment que la divulgation par le requérant des documents couverts par le secret professionnel avait causé à son employeur un préjudice supérieur à l’intérêt général. M. Halet forma un pourvoi en cassation qui fut rejeté en janvier 2018.

 

Griefs, procédure et composition de la Cour

Invoquant l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme, M. Halet soutient que sa condamnation pénale constitue une ingérence disproportionnée dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression.

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 7 mai 2018.

Par un arrêt rendu le 11 mai 2021 la Cour a conclu, à la majorité (cinq voix contre deux), à la non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme.

Le 18 juin 2021 le requérant a demandé le renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre conformément à l’article 43 de la Convention (renvoi devant la Grande Chambre).

Le 6 septembre 2021, le collège de la Grande Chambre a accepté ladite demande. Une audience a eu lieu le 2 février 2022.

Plusieurs organisations non gouvernementales ont été autorisées à intervenir dans la procédure

écrite en tant que tierces intervenantes.

L’arrêt a été rendu par la Grande Chambre de 17 juges, composée en l’occurrence de :

Robert Spano (Islande), président,

Jon Fridrik Kjølbro (Danemark),

Síofra O’Leary (Irlande),

Georges Ravarani (Luxembourg),

Yonko Grozev (Bulgarie),

Mārtiņš Mits (Lettonie),

Stéphanie Mourou-Vikström (Monaco),

Pauliine Koskelo (Finlande),

Tim Eicke (Royaume-Uni),

Péter Paczolay (Hongrie),

Lado Chanturia (Géorgie),

Ivana Jelić (Monténégro),

Arnfinn Bårdsen (Norvège),

3

Raffaele Sabato (Italie),

Mattias Guyomar (France),

Ioannis Ktistakis (Grèce),

Andreas Zünd (Suisse),

ainsi que de Abel Campos, greffier adjoint.

 

Décision de la Cour

Article 10

La Cour rappelle que la protection dont jouissent les lanceurs d’alerte au titre de l’article 10 de la Convention repose sur la prise en compte de caractéristiques propres à l’existence d’une relation de travail : d’une part, le devoir de loyauté, de réserve et de discrétion inhérent au lien de subordination qui en découle ainsi que, le cas échéant, l’obligation de respecter un secret prévu par la loi ; d’autre part, la position de vulnérabilité notamment économique vis-à-vis de la personne, de l’institution publique ou de l’entreprise dont ils dépendent pour leur travail, ainsi que le risque de subir des représailles de la part de celle-ci.

Elle rappelle aussi que la notion de « lanceur d’alerte » ne fait pas l’objet, à ce jour, d’une définition juridique univoque et qu’elle s’est toujours abstenue d’en consacrer une définition abstraite et générale. Ainsi, la question de savoir si une personne qui prétend être un lanceur d’alerte bénéficie de la protection offerte par l’article 10 de la Convention appelle un examen qui s’effectue, non de manière abstraite, mais en fonction des circonstances de chaque affaire et du contexte dans lequel elle s’inscrit.

À cet égard, la Cour décide de faire application de la grille de contrôle qu’elle a définie dans l’arrêt Guja c. Moldova pour apprécier si, et le cas échéant, dans quelle mesure, l’auteur d’une divulgation portant sur des informations confidentielles obtenues dans le cadre d’une relation professionnelle, peut bénéficier de la protection de l’article 10 de la Convention. Par ailleurs, consciente des évolutions survenues depuis l’adoption de l’arrêt Guja, en 2008, qu’il s’agisse de la place qu’occupent désormais les lanceurs d’alerte dans les sociétés démocratiques et du rôle de premier plan qu’ils sont susceptibles de jouer, la Cour estime opportun de confirmer et consolider les principes qui se dégagent de sa jurisprudence en matière de protection des lanceurs d’alerte, en en affinant les critères de mise en oeuvre, à la lumière du contexte européen et international actuel.

En l’espèce, faisant application de ces critères, la Cour note ce qui suit.

1) L’existence ou non d’autres moyens pour procéder à la divulgation : la Cour considère que lorsque sont en cause des agissements ou des pratiques portant sur les activités habituelles de l’employeur et qui n’ont, en soi, rien d’illégal, le respect effectif du droit de communiquer des informations présentant un intérêt public suppose d’admettre le recours direct à une voie externe de divulgation, se traduisant, le cas échéant, par la saisine des médias. C’est d’ailleurs ce que la Cour

d’appel a admis, en l’espèce.

2) L’authenticité de l’information divulguée : la Cour note que le requérant a transmis au journaliste des documents dont « l’exactitude et l’authenticité » ont été constatées par la Cour d’appel et ne sont aucunement remises en cause. Ce critère est donc satisfait.

3) La bonne foi du requérant : il ressort de l’arrêt de la Cour d’appel que le requérant n’a pas agi « dans un but de lucre ou pour nuire à son employeur ». Le critère de la bonne foi a donc été respecté au moment de procéder à la divulgation litigieuse.

4) L’intérêt public que présente l’information divulguée : la Cour rappelle que les informations divulguées n’étaient pas seulement de nature à « interpeller ou scandaliser » comme le retint la Cour d’appel, mais apportaient bien un éclairage nouveau, dont il convient de ne pas minorer l’importance dans le contexte d’un débat sur « l’évitement fiscal, la défiscalisation et l’évasion fiscale », en fournissant des renseignements à la fois sur le montant des bénéfices déclarés par les multinationales concernées, sur les choix politiques opérés au Luxembourg en matière de fiscalité des entreprises, ainsi que sur leurs incidences en termes d’équité et de justice fiscale, à l’échelle européenne et, en particulier en France.

Par ailleurs, le poids de l’intérêt public attaché à la divulgation litigieuse ne peut être évalué indépendamment de la place qu’occupent désormais les multinationales de dimension mondiale tant sur le plan économique que social. En effet, les informations relatives aux pratiques fiscales des multinationales telles que celles dont les déclarations ont été rendues publiques par le requérant permettaient indéniablement de nourrir le débat en cours – déclenché par les premières divulgations de l’auditeur (A.D.) – sur l’évasion fiscale, la transparence, l’équité et la justice fiscale. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit là d’informations dont la divulgation présente un intérêt public pour l’opinion – aussi bien au Luxembourg, dont la politique fiscale était directement en cause, qu’en Europe et dans les autres États dont les recettes fiscales pouvaient se trouver affectées par les pratiques révélées.

5) Les effets dommageables de la divulgation : la Cour estime que le préjudice subi par l’employeur du requérant ne saurait s’apprécier au regard des seuls impacts financiers éventuels de la divulgation litigieuse. Elle admet en effet que PwC a subi un certain préjudice de réputation. Toutefois, la Cour souligne que la réalité de ce préjudice n’apparaît pas avérée sur le long terme. Ensuite, elle estime nécessaire de rechercher si d’autres intérêts ont été affectés par la divulgation litigieuse. Elle souligne qu’en l’espèce n’est pas seulement en cause la divulgation d’informations par le requérant mais également la soustraction frauduleuse de leur support et qu’à ce titre doit aussi être pris en compte l’intérêt public à prévenir et sanctionner le vol. En outre, la Cour souligne que le respect du secret professionnel présente indéniablement un intérêt public et que le requérant se trouvait tenu au secret professionnel qui prévaut dans le domaine des activités exercées par son employeur, auquel il se trouvait astreint dans l’exercice de son activité professionnelle en vertu de la loi.

Certes, aux yeux de la Cour, les éléments d’appréciation retenus par la Cour d’appel en ce qui concerne le préjudice subi par PwC, à savoir « l’atteinte à l’image » et « une perte de confiance » sont incontestablement pertinents. Pour autant, la Cour d’appel s’est contentée de les formuler en termes généraux, sans apporter de précision permettant de comprendre pourquoi elle a finalement estimé qu’un tel préjudice, dont la nature et la portée n’ont au demeurant pas été déterminées de manière circonstanciée, était « supérieur à l’intérêt général » que présentait la divulgation des informations litigieuses. La Cour en déduit que la Cour d’appel n’a pas placé, dans le second plateau de la balance, l’ensemble des effets dommageables qu’il convenait de prendre en compte.

En ce qui concerne l’opération de mise en balance effectuée par les juridictions internes, la Cour estime que celle-ci ne répond pas aux exigences qu’elle a définies à l’occasion de la présente affaire.

En effet, d’une part, la Cour d’appel s’est livrée à une interprétation trop restrictive de l’intérêt public que revêtaient les informations divulguées. D’autre part, elle n’a pas intégré, dans le second plateau de la balance, l’ensemble des effets dommageables de la divulgation en cause, mais s’est seulement attachée au préjudice subi par l’employeur.

Dès lors, procédant elle-même à la mise en balance des intérêts en jeu, la Cour rappelle qu’elle a reconnu que les informations révélées par le requérant présentaient indéniablement un intérêt public. Dans le même temps, la circonstance que la divulgation litigieuse s’est faite au prix d’un vol de données et de la violation du secret professionnel qui liait le requérant ne pouvait être ignorée.

Cependant, la Cour relève l’importance relative des informations divulguées, eu égard à leur nature et à la portée du risque s’attachant à leur révélation. Au vu des constats opérés quant à l’importance, à l’échelle tant nationale qu’européenne, du débat public sur les pratiques fiscales des multinationales auquel les informations divulguées par le requérant ont apporté une contribution essentielle, la Cour estime que l’intérêt public attaché à la divulgation de ces informations l’emporte sur l’ensemble des effets dommageables.

6) La sévérité de la sanction, la Cour note qu’après avoir été licencié par son employeur, le requérant a été poursuivi pénalement et condamné au terme d’une procédure pénale ayant connu un fort retentissement médiatique, à une peine d’amende de 1000 euros. Eu égard à la nature des sanctions infligées et à la gravité des effets de leur cumul, en particulier de leur effet dissuasif au regard de la liberté d’expression du requérant ou de tout autre lanceur d’alerte, lequel n’apparaît aucunement avoir été pris en compte par la Cour d’appel et, compte tenu surtout du résultat auquel elle est parvenue au terme de la mise en balance des intérêts en jeu, la Cour considère que la condamnation pénale du requérant ne peut être considérée comme proportionnée au regard du but légitime poursuivi.

En conclusion, la Cour, après avoir pesé les différents intérêts ici en jeu et pris en compte la nature, la gravité et l’effet dissuasif de la condamnation pénale infligée au requérant, conclut que l’ingérence dans le droit à la liberté d’expression de ce dernier, en particulier de son droit de communiquer des informations, n’était pas « nécessaire dans une société démocratique ». Il y a donc eu violation de l’article 10 de la Convention.

 

Satisfaction équitable (Article 41)

La Cour dit que le Luxembourg doit verser au requérant 15 000 euros (EUR) pour dommage moral et 40 000 EUR pour frais et dépens.

 

Opinions séparées

Le texte de l’opinion dissidente commune aux juges Ravarani, Mourou-Vikström, Chanturia et Sabato ainsi que la déclaration de dissentiment du juge Kjølbro sont joints à l’arrêt.

 

L’arrêt existe en anglais et français.

Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour. Les décisions et arrêts rendus par la Cour, ainsi que des informations complémentaires au sujet de celle-ci, peuvent être obtenus sur www.echr.coe.int 

 

09.02.23

Communiqué de presse du Greffe de la Cour  : CEDH 043 (2023) 09.02.2023 

 

Les sanctions prononcées par le CSA à l’encontre la chaîne de télévision C8 en raison de séquences diffusées dans l’émission « Touche pas à mon poste » n’ont pas méconnu sa liberté d’expression

 

 

Dans son arrêt de chambre , rendu ce jour dans l’affaire C8 (Canal 8) c. France (requêtes n o 58951/18 et n° 1308/19), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu : Non-violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention européenne des droits de l’homme.

 

Les deux requêtes concernent deux sanctions prononcées contre la société de télévision C8 par le conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en raison du contenu de séquences diffusées dans l’émission « Touche pas à mon poste ».

 

La Cour relève tout d’abord que ces séquences s’inscrivaient dans le cadre d’une émission de pur divertissement qui n’a d’autre ambition que d’attirer, dans un but commercial, le plus large public possible et en déduit que l’État défendeur disposait d’une large marge d’appréciation pour juger de la nécessité de sanctionner la société requérante, au titre de la protection des droits d’autrui. La Cour indique ensuite qu’elle ne voit aucune raison de se départir de l’appréciation du CSA et du Conseil d’État, saisi de recours en annulation contre les sanctions litigieuses, qui repose sur des motifs pertinents et suffisants.

 

En ce qui concerne la première séquence, elle considère que la mise en scène du jeu obscène entre l’animateur vedette et une de ses chroniqueuses ainsi que les commentaires graveleux que celui-ci a suscités véhiculent une image stéréotypée négative et stigmatisante des femmes.

 

En ce qui concerne la seconde séquence, elle considère que, tant par son principal objet que par l’attitude de l’animateur vedette et la situation dans laquelle il a délibérément placé les personnes qu’il avait piégées, le canular téléphonique véhiculait une image stéréotypée négative et stigmatisante des personnes homosexuelles.

 

S’agissant enfin de la lourdeur des sanctions infligées, la Cour souligne que leur caractère pécuniaire est particulièrement adapté, en l’espèce, à l’objet purement commercial des comportements qu’elles répriment et que leur gravité doit être relativisée à la lumière de l’échelle des sanctions prévue la loi du 30 septembre 1986.

 

En conclusion, les séquences litigieuses n’étant porteuses d’aucune information, opinion ou idée, au sens de l’article 10 de la Convention, n’ayant en aucune manière contribué à un débat d’intérêt général, et étant attentatoires à l’image des femmes, pour l’une, et de nature à stigmatiser les personnes homosexuelles et à porter atteinte à la vie privée, pour l’autre, la Cour considère, eu égard aussi à leur impact, en particulier auprès d’un jeune public, aux manquements répétés de la société requérante à ses obligations déontologiques, aux garanties procédurales dont elle a bénéficié dans l’ordre interne, et à la large marge d’appréciation dont disposait l’État défendeur, que les sanctions prononcées contre cette dernière les 7 juin et 26 juillet 2017 n’ont pas méconnu son droit à la liberté d’expression.

Avocat Droits de l'Homme
Cour européenne des droits de l'Homme

02.02.2023

 

Communiqué du Greffe de la Cour CEDH 034 (2023)

 

Rocchia c. France (no 74530/17)

 

 

 

La requérante, Mme Patricia Rocchia, est une ressortissante française, née en 1961 et résidant à Antibes.

 

Son époux fit appel en son nom d’une condamnation à deux ans d’emprisonnement prononcée à son encontre.

 

Toutefois, ce recours fut déclaré irrecevable au motif qu’il n’avait pas produit de pouvoir spécial, alors même qu’il résultait des mentions de l’acte d’appel qu’il disposait d’une

procuration.

 

Invoquant l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention, la requérante soutient que l’irrecevabilité de son appel a porté une atteinte disproportionnée à son droit d’accès à un tribunal, et se plaint d’un excès de formalisme.

 

Violation de l’article 6 § 1.

Avocat Droits de l'Homme
Cour européenne des droits de l'Homme

19.01.23

Communiqué de presse du Greffe de la Cour  : CEDH 020 (2022)

 

La Cour juge que l’assignation à résidence du requérant, prise dans le cadre de l’état d’urgence déclaré en 2015, ne viole pas la liberté de circulation 

 

"Dans son arrêt de chambre, rendu ce jour, après une audience publique tenue le 18 octobre 2022, dans l’affaire Pagerie c. France (requête no 24203/16), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :

Non-violation de l’article 2 du Protocole n° 4 (liberté de circulation) de la Convention européenne des droits de l’homme

 

L’affaire concerne l’assignation à résidence sur le territoire de la commune d’Angers, ordonnée, par le ministre de l’Intérieur, à l’égard du requérant dans le cadre de l’état d’urgence déclaré après la vague  d’attentats  terroristes  commise  sur  le  territoire  français  en  novembre  2015.  Celui-ci  fut soumis  à  des  obligations  strictes,  pendant  plus  de  treize  mois,  comprenant  l’obligation  de  se présenter trois fois par jour dans un commissariat et l’interdiction de quitter son domicile entre 20 h et 6 h.

A titre liminaire, la Cour souligne qu’elle est pleinement consciente des difficultés de la lutte contre le terrorisme et qu’en la matière, la Convention impose aux États de concilier la protection de la population avec la garantie effective des droits protégés. Dans le cadre de son contrôle, la Cour accorde une attention particulière à la nature et à la portée concrète des garanties contre les abus et le risque d’arbitraire.

En l’espèce, la Cour considère tout d’abord que la loi du 3 avril 1955, qui constitue la base légale des mesures  contestées,  fixe  avec  une  clarté  suffisante  l’étendue  et  les  modalités  du  pouvoir d’appréciation conféré au ministre de l’Intérieur et prévoit des garanties adaptées contre les risques d’abus et d’arbitraire.

S’agissant  ensuite  de  la  nécessité  de  l’assignation  à  résidence,  la  Cour  relève  que  le  ministre  de l’Intérieur s’est fondé sur un ensemble d’éléments permettant de caractériser un « comportement » du requérant de nature à susciter des raisons sérieuses de penser qu’il constituait une menace pour la sécurité et l’ordre publics, dans une perspective de prévention du passage à l’acte terroriste. Elle note que la mesure a fait l’objet de réexamens réguliers, la situation personnelle du requérant ayant effectivement été réétudiée à huit reprises par le ministre de l’Intérieur. Par ailleurs, la Cour relève que  l’ensemble  des  décisions  administratives  prises  à  l’encontre  du  requérant  a  fait  l’objet  d’un contrôle  juridictionnel,  permettant  à celui-ci  de faire valoir  ses arguments  devant  les juridictions internes,  qui  ont  réexaminé  avec  sérieux  la  justification  de  son  assignation  à  résidence  lors  de chacune de ses prolongations.

Compte tenu du besoin impérieux que constitue la prévention d’actes terroristes, du comportement du  requérant,  des  garanties  procédurales  dont  il  a  effectivement  bénéficié,  et  du  réexamen périodique de la nécessité de la mesure d’assignation à résidence, la Cour conclut que cette mesure n’était pas disproportionnée. Il n’y a donc pas eu violation de l’article 2 du Protocole n° 4.

 

Principaux faits

Le requérant, M. David Pagerie, est un ressortissant français né en 1988 et résidant à Verrières-en- Anjou.  À  la  suite  des  attentats  perpétrés  à  Saint-Denis  et  à  Paris  le  13  novembre  2015,  l’état d’urgence  fut  déclaré  et  la  France  notifia  au  Secrétaire  général  du  Conseil  de  l’Europe  qu’elle entendait exercer le droit de dérogation prévu à l’article 15 de la Convention.

M. Pagerie fut assigné à résidence, entre le 22 novembre 2015 et le 11 juin 2017, par cinq arrêtés successifs  du  ministre  de  l’Intérieur.  Il  fut  incarcéré  du  5 août  2016  au  18 janvier  2017,  puis  du 11 juin  au  15 novembre  2017.  Il  fit  ensuite  l’objet  d’une  mesure  individuelle  de  contrôle administratif et de surveillance (MICAS).

M. Pagerie exerça de multiples recours à l’encontre de ces décisions. Tous furent rejetés par les juridictions administratives.

Il présenta ainsi deux référés-suspension. Sa première requête fit l’objet d’un non-lieu à statuer le 29 février 2016. La seconde fut rejetée le 11 mars 2016. Le requérant ne se pourvut pas en cassation contre ces ordonnances.

Il  sollicita  par  ailleurs  la  suspension  de  l’exécution  des  cinq  arrêtés  ordonnant  son  assignation à résidence en référé-liberté.

Ses requêtes furent rejetées par les tribunaux administratifs  de Nantes et de Rennes par quatre ordonnances en date des 29 janvier et 4 juillet 2016, et des 26 janvier et 10 avril 2017. Le requérant releva appel des ordonnances du 29 janvier 2016 et du 10 avril 2017.

Le juge des référés du Conseil d’État rejeta ces deux appels, par des ordonnances du 10 février 2016 et du 19 mai 2017.

Sur  le  fond,  M.  Pagerie  demanda  l’annulation  pour  excès  de  pouvoir  des  arrêtés  ordonnant  son assignation  à  résidence,  ainsi  que  l’annulation  d’une  décision  de  refus  d’aménagement  de  son obligation  de  pointage  rendue  le  30 mars  2017  par  sept requêtes  distinctes.  Ces  requêtes  furent jointes  et  rejetées  par  un  jugement  du  tribunal  administratif  de  Nantes  du  13 février  2018.  Le requérant releva appel de ce jugement par sept requêtes distinctes.

Par une ordonnance du 27 août 2018, le président de la cour administrative d’appel de Nantes rejeta ces  requêtes  d’appel  comme  étant  manifestement  dépourvues  de  fondement.  M.  Pagerie  ne  se pourvut pas en cassation contre cette ordonnance.

M. Pagerie présenta enfin trois référés-liberté à l’encontre de la MICAS ultérieurement prise à son égard. Ces référés furent rejetés, de même que les appels dirigés contre les ordonnances de rejet.

 

Griefs, procédure et composition de la Cour

Le requérant invoque les articles 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), 9 (droit à la liberté

de pensée, de conscience et de religion), et 14 (interdiction de la discrimination) de la Convention et l’article 2 du Protocole n° 4 (liberté de circulation). Il soutient en particulier que son assignation à résidence  n’était  pas  fondée  sur  une  base  légale  suffisamment  prévisible  et  qu’elle  était disproportionnée. En cours de procédure, le requérant a également soulevé des griefs similaires à l’égard de la MICAS dont il a ultérieurement fait l’objet.

Le Gouvernement soutient que ces dispositions n’ont pas été violées. À titre subsidiaire, il fait valoir que la France a valablement exercé le droit de dérogation prévu par l’article 15 de la Convention.

 

La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 26 avril 2016. Elle a été communiquée au Gouvernement  15 décembre 2020. La Cour a tenu audience le 18 octobre 2022.

L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges [...].

 

Décision de la Cour

 

Exceptions préliminaires

En premier lieu, la Cour juge que les griefs formulés à l’encontre  de la MICAS mise en œuvre à l’égard du requérant à compter du 14 novembre 2017 sont tardifs et les déclare irrecevables.

En deuxième lieu, la Cour constate que le requérant n’a pas soulevé, ne serait-ce qu’en substance, les griefs qu’il tire des articles 8, 9 et 14 de la Convention dans le cadre des appels qu’il a formés devant le Conseil d’État en matière de référé-liberté, alors qu’il lui était possible d’invoquer une atteinte au droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte à sa liberté de culte ou une discrimination dans l’exercice de celle-ci.

Compte tenu de l’absence de pourvoi en cassation dans le cadre des recours en excès de pouvoir, la Cour  en  conclut  que  ces  griefs  doivent  être  rejetés  pour  non-épuisement  des  voies  de  recours internes.

En troisième lieu, la Cour estime que le requérant a valablement épuisé les voies de recours internes en soutenant devant le Conseil d’Etat statuant en appel en matière de référé-liberté son grief tiré de la violation de l’article 2 du Protocole no 4. Elle relève en particulier que le droit interne facilite l’accès au juge des référés pour ce qui concerne la contestation des assignations à résidence dans le cadre de l’état d’urgence, l’urgence à statuer étant présumée, et que la procédure de référé-liberté permet  de  remédier  à  bref  délai  aux  atteintes  graves  et  manifestement  illégales  portées  à  une liberté fondamentale en la matière. Elle considère dès lors que le requérant n’avait pas à exercer son recours pour excès de pouvoir jusqu’en cassation et rejette donc l’exception de non-épuisement présentée par le Gouvernement sur ce point.

 

Article 2 du Protocole no 4

Dans le cadre de l’examen de la présente requête, la Cour considère qu’elle doit d’abord rechercher si  la  mesure  litigieuse  est  compatible  avec  les  droits  et  libertés  garantis  par  la  Convention  et invoqués par le requérant. Si tel est le cas, elle n’aura pas à statuer sur la validité de la dérogation prévue par l’article 15.

À titre liminaire, la Cour souligne qu’il lui revient de tenir compte du contexte particulier dans lequel s’inscrit cette affaire, marqué par la vague d’attentats terroristes commise sur le territoire français à compter de 2015. Pleinement consciente des difficultés de la lutte contre le terrorisme, elle indique que  celle-ci  doit  s’exercer  dans  le  respect  des  obligations  prises  au  titre  de  la  Convention,  en conciliant la nécessité de protéger la population avec la garantie des droits. Dans le cadre de son contrôle, la Cour estime devoir prêter une attention particulière à la nature et à la portée concrète des garanties contre les abus et le risque d’arbitraire dans de telles circonstances.

Ayant  examiné  les  modalités  de  la  mesure  (interdiction  de  quitter  le  territoire  de  la  commune d’Angers,  astreinte  à  domicile  de  20 h  à  6 h,  obligation  de  se  présenter  trois  fois  par  jour  au commissariat, durée cumulée), la Cour considère qu’elle s’analyse en une atteinte à la liberté de circulation.

La mesure litigieuse ayant fortement restreint la liberté de circulation du requérant, la Cour doit rechercher si cette ingérence était prévue par la loi, si elle poursuivait un but légitime et si elle était nécessaire dans une société démocratique.

La Cour relève tout d’abord que la base légale de l’assignation à résidence était l’article 6 de la loi du 3 avril 1955, tel qu’interprété par le Conseil d’État et par le Conseil constitutionnel.

En ce qui concerne la précision des notions employées par le législateur, contestée par le requérant, la Cour rappelle que le niveau de précision de la législation interne dépend dans une large mesure du contenu de la loi en question, du domaine qu’elle est censée couvrir et du nombre et du statut de ceux à qui elle est adressée. En l’espèce, les dispositions litigieuses ne peuvent être appliquées que dans le cadre de l’état d’urgence, et dans les zones où celui-ci reçoit application. Or, en droit interne, l’état d’urgence ne peut être déclaré que dans des situations exceptionnelles, strictement définies par la loi. La législation en cause, qui déroge au droit commun, a donc vocation à ne s’appliquer qu’à titre exceptionnel, dans un espace et un temps limités.

La Cour observe ensuite que l’édiction d’une mesure d’assignation à résidence est subordonnée à l’existence de « raisons sérieuses » de penser qu’un comportement donné constitue une menace, et qu’une telle mesure ne peut être prononcée sur la base de simples soupçons. La Cour note que ce seuil d’exigence est encore réhaussé lorsque la durée de la mesure excède douze mois, la menace requise devant alors avoir « une particulière gravité ». La Cour note en outre que la préservation de la  « sécurité  nationale »  et  de  « la  sûreté  publique »  ainsi  que  le  maintien  de  « l’ordre  public » figurent  expressément  parmi  les  buts  légitimes  susceptibles  de  justifier  une  ingérence  les  droits garantis par l’article 2 du Protocole no 4. Elle juge irréaliste d’exiger que le législateur national dresse une liste exhaustive des comportements susceptibles de justifier la mise en œuvre de pouvoirs de police  administrative.  Selon  une  jurisprudence  bien  établie,  le  droit  doit  savoir  s’adapter  aux changements  de  situation et  ne  peut  en  aucun  cas  prévoir  toutes  les  hypothèses,  ce  pourquoi beaucoup  de  lois  se  servent-elles  de  formules  plus  ou  moins  vagues,  dont  l’interprétation  et l’application  dépendent  de  la  pratique.  Pour  autant,  la  Cour  souligne  qu’une  telle  législation d’exception  ne  saurait,  en  aucun  cas,  s’avérer  contraire  au  principe  de  prééminence  du  droit  et estime  qu’il  lui  revient  dès  lors  d’exercer  un  contrôle  méticuleux  des  garanties  contre  le  risque d’arbitraire  prévues  par  le  droit  interne,  afin  de  déterminer  si  celles-ci  encadrent  et  limitent efficacement le pouvoir d’appréciation conféré à l’autorité administrative.

En ce qui concerne l’existence de garanties contre le risque d’arbitraire, la Cour relève en premier lieu que la mise en œuvre de l’état d’urgence est strictement encadrée par le droit interne, celui-ci étant périodiquement prorogé par le législateur après avis du Conseil d’Etat et s’exécutant sous le contrôle du Parlement. En deuxième lieu, elle constate que le régime de la mesure d’assignation à résidence est nettement défini en droit interne. En troisième lieu, la Cour observe que les mesures d’assignations à résidence peuvent être contestées devant le juge des référés par la voie du référé-liberté, que la Cour juge effective, le contrôle du juge des référés portant à la fois sur la légalité et la proportionnalité de la mesure d’assignation à résidence. La Cour considère par conséquent que les dispositions  en  cause,  telles  qu’interprétées  par  les  juridictions  internes,  fixent  avec  une  clarté suffisante l’étendue et les modalités du pouvoir d’appréciation conféré au ministre de l’Intérieur et prévoient des garanties adaptées contre les risques d’abus et d’arbitraire. Elle en conclut que cette base légale était prévisible.

En ce qui concerne la légitimité des buts poursuivis, la Cour considère que les objectifs poursuivis par l’ingérence litigieuse, qui tendent à la préservation de la sécurité nationale et de la sûreté publique ainsi qu’au maintien de l’ordre public, étaient légitimes.

Enfin, en ce qui concerne la nécessité de l’ingérence litigieuse, la Cour constate que l’ingérence qui a été portée à la liberté de circulation du requérant a été d’une particulière intensité. En outre, celle-ci a eu une durée cumulée de plus de treize mois.

En l’espèce, l’assignation à résidence a initialement été fondée sur la « radicalisation religieuse » du requérant, son tempérament violent et ses antécédents pénaux, ainsi que sur le fait qu’il ait tenté d’entrer  en  contact  avec  le  responsable  d’une  organisation  islamiste  favorable  au  jihad  armé, prônant l’instauration du califat et l’application de la charia en France.

La  Cour  indique  d’abord  qu’une  telle  restriction  à  la  liberté  de  circulation  ne  saurait  se  fonder exclusivement sur les convictions ou sur la pratique religieuse d’un individu. Elle rappelle cependant que  l’article 9  de  la  Convention  ne  protège  pas  n’importe  quel  acte  motivé  ou  inspiré  par  une religion ou conviction.

Elle relève ensuite que le ministre de l’Intérieur s’est fondé sur un ensemble d’éléments permettant de  caractériser  un  « comportement »  de  nature  à  susciter  des  raisons  sérieuses  de  penser  qu’il constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics, dans une perspective de prévention du passage  à  l’acte  terroriste,  comme  le  Conseil  d’État  s’en  est  assuré.  Par  la  suite,  l’assignation  à résidence  du  requérant  et  ses  modalités  ont  fait  l’objet  de  réexamens  réguliers,  sa  situation personnelle ayant effectivement été réétudiée à huit reprises par le ministre de l’Intérieur.

Par  ailleurs,  la  Cour  relève  que  l’ensemble  des  décisions  administratives  prises  à  l’encontre  du requérant ont fait l’objet d’un contrôle juridictionnel. Le requérant, auquel l’aide juridictionnelle a systématiquement  été  accordée,  a  effectivement  été  en  mesure  de  faire  valoir  ses  arguments devant les juridictions internes qui ont réexaminé avec sérieux la justification de son assignation à résidence lors de chacune de ses prolongations. S’agissant de la prise en compte de notes blanches émanant des services de renseignement, la Cour constate que celle-ci était entourée de garanties suffisantes :  en  effet,  ces  notes  ont  été  soumises  au  débat  contradictoire  dans  des  conditions permettant effectivement au requérant d’avoir connaissance des éléments fondant son assignation à résidence et de demander des éclaircissements. Ces éléments n’ont, pour une large partie, pas été contestés par le requérant qui a été absent à plusieurs audiences et n’a jamais invité les juridictions internes à faire usage de leurs pouvoirs d’instruction.  Pour leur part les juridictions internes ont estimé que les faits relatés étaient suffisamment précis et circonstanciés. Dans ces conditions, la Cour  déduit  que  le  requérant  a,  dans  les  circonstances  de  l’espèce,  bénéficié  de  garanties procédurales appropriées. Compte tenu du besoin impérieux que constitue la prévention d’actes terroristes, du comportement du  requérant,  des  garanties  procédurales  dont  il  a  effectivement  bénéficié,  et  du  réexamen périodique de la nécessité de la mesure d’assignation à résidence, la Cour conclut que celle-ci n’était pas disproportionnée.

 

Il n’y a donc pas eu violation de l’article 2 du Protocole no 4. Une telle conclusion la dispense en l’espèce de statuer sur la validité de l’exercice, par la France, du droit de dérogation prévu par l’article 15.

 

L’arrêt n’existe qu’en français

 

Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour."