La CEDH condamne la France pour avoir expulsé un terroriste en hâte juste avant que la CEDH puisse intervenir pour faire suspendre la mesure

M.A. c. France - 1er février 2018 - requête no 9373/15

Voir aussi le communiqué du Greffier de la Cour, CEDH 044 (2018) du 01.02.2018

Le requérant a été condamné à 7 ans de prison et à une interdiction définitive du territoire français pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes de terrorisme.


En 2010, les autorités françaises cherchèrent à mettre à exécution cette interdiction et le requérant saisit la CEDH.

 

La CEDH demande à la France de ne pas procéder au renvoi vers l’Algérie pour la durée de la procédure, le requérant fut donc remis en liberté et assigné à résidence.

 

En 2014, la CEDH jugea la requête irrecevable (pour non-épuisement des voies de recours internes) et la mesure provisoire prit fin.

 

Le requérant déposa alors une demande d’asile, qui fut rejetée par l'OFPRA le 17 février 2015.

 

Le 20 février 2015, les autorités mirent à exécution la mesure d’éloignement et le 20 février 2015 à 12h15 le requérant informa son avocate, laquelle a saisi la CEDH d’une nouvelle demande de suspension 20 février 2015 à 15h16.

 

Le 20 février 2015 à 15h54, la CEDH fit droit à la requête, demandant au gouvernement de ne pas procéder au renvoi, par courriel.

 

Le ministère des Affaires étrangères réceptionna les documents officiels de la part de la CEDH à 16h11.

 

L'avion décolla à 16h15h.

 

À 16h18, l’état‑major de la direction centrale de la police aux frontières reçut la télécopie l’informant de la mesure prise par la Cour.

 

À son arrivée en Algérie, le requérant fut arrêté, mis en examen et placé
en détention.

 

La CEDH a déduit de la chronologie que les autorités s'étaient précipitées pour expulser le requérant et le leur reproche car elles ont "créé des conditions dans lesquelles le requérant ne pouvait que très difficilement saisir la Cour d’une seconde demande de mesure provisoire", "délibérément et de manière irréversible, amoindri le niveau de protection des droits énoncés dans l’article 3 de la Convention" et "manqué à leurs obligations découlant de l’article 34 de la Convention".

 

Le requérant demandait 520 000 € de dommages et intérêts, la CEDH a rejeté ces prétentions et a jugé que "le constat d’une violation constituerait en soi une satisfaction équitable suffisante".

 

Il est à noter que la Juge O'Leary, seule à ne pas avoir voté cet arrêt, émet une opinion dissidente dans laquelle elle regrette pour l'essentiel que la CEDH ne se soit pas assez attachée aux circonstances de la cause, mais plus à "la situation générale en Algérie et comment elle pourrait in abstracto affecter une certaine catégorie de personnes faisant l’objet de mesures d’éloignement [...] le raisonnement demeure sur un plan général, sans faire l’examen approfondi et nécessaire de la situation individuelle du requérant et sans même faire ressortir suffisamment l’appréciation du risque effectuée par l’autorité compétente au niveau interne. Ce qui en résulte est un arrêt qui, à mon sens, fait preuve d’une automaticité erronée".